La quatrième agglomération du pays doit beaucoup à celui qui fut député-maire pendant une vingtaine d’années.
Routes, écoles, dispensaires : Korhogo, la quatrième ville de Côte d’Ivoire, s’est beaucoup développée grâce à l’enfant du pays, Amadou Gon Coulibaly. Après la mort inattendue du premier ministre qui doit être inhumée vendredi 17 juillet dans son fief, les habitants s’inquiètent pour l’avenir de leur région.
Dans la grande ville du nord ivoirien, tout le monde, même les opposants politiques, s’accorde à reconnaître que M. Gon Coulibaly, surnommé « le lion de Korhogo » dont il a été le député-maire pendant une vingtaine d’années, a fait énormément pour cette cité de quelque 250 000 habitants et sa région du Poro, exportatrice de noix de cajou, de coton et de mangues.
Et on attendait encore davantage s’il avait été élu président de la République, puisqu’il était le candidat désigné par le parti au pouvoir pour le scrutin présidentiel d’octobre. Jusqu’à sa mort soudaine, le 8 juillet, d’une crise cardiaque, à 61 ans.
Car, en Côte d’Ivoire, comme dans beaucoup de pays, le développement d’une région suit souvent les hauts et les bas de la carrière politique de son principal représentant. Ainsi Yamoussoukro, simple village natal du président Félix Houphouët-Boigny (1960-1993) devenu capitale politique de la Côte d’Ivoire, stagne depuis la mort du père de l’indépendance.
« Il a changé la face de la ville »
« A Korhogo, jusqu’au début des années 2000, il y avait beaucoup de poussière, des rues impraticables. C’était difficile de circuler dans la région à cause de l’état des routes et des innombrables postes de contrôle », explique le président d’une compagnie de transport, Seydou Coulibaly. « Ces dix dernières années, avec l’arrivée au pouvoir du RHDP [le parti du président Ouattara, qui avait fait de Gon Coulibaly, dit “AGC”, son successeur], nous avons vécu un grand changement », note l’opérateur économique.
« Il a bitumé les grandes artères de la ville, les quartiers, électrifié toute la ville, la périphérie, les villages alentours, donné l’adduction d’eau, construit beaucoup d’écoles, de centres de santé », détaille le maire du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), Lazani Coulibaly. « Il a changé la face de la ville et a fait plus en dix ans que les quarante années précédentes », résume-t-il.
« C’était notre étoile », abonde le chef traditionnel du canton Issa Coulibaly, alors que les hommages se poursuivent jusqu’à son inhumation vendredi en présence du président Ouattara.
« Qui va prendre la relève ? »
L’opposant Moussa Silué, du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, pointe cependant le chômage des jeunes, toujours important dans la région. « La majorité de la population est jeune, peu instruite, il n’y a pas assez d’emplois dans l’agriculture ni l’industrie », avance-t-il. Il critique aussi le « clanisme » d’« AGC », à savoir l’accaparement par ses proches des contrats et des bons postes.
Mais alors que tous les Korhogolais rendent hommage à « AGC », descendant de la prestigieuse lignée du fondateur de la ville, une question est sur toutes les lèvres. « Qui va prendre la relève ? Qui va finir le travail pour Korhogo ? », se demande Soro Yetoumana, soudeur.
La mort d’« AGC », « c’est un coup dur, on a l’impression que le ciel nous est tombé sur la tête », confie le transporteur Seydou Coulibaly. Le maire Lazani Coulibaly se veut optimiste : « On ne s’inquiète pas trop car le pouvoir reste le même. Les projets qu’il [“AGC”] avait commencé, c’est déjà bouclé », veut-il croire. « Le peuple sénoufo [auquel appartenait AGC] sait se battre, mais on ne peut pas évoluer sans son appui, s’inquiète cependant Seydou Coulibaly. On espère qu’on ne va pas nous oublier. »