Contrairement à la majorité des joueurs africains, l’attaquant a rejoint l’Europe bien après ses 20 ans. Passé par la RDC et la Suisse, il vient d’être recruté par Dijon.
Au bout de la patience, il y a le ciel. Ce proverbe africain, le footballeur ivoirien Roger Assalé, arrivé cette année au Dijon Football Côte-d’Or (Dijon FCO), semble l’avoir appliqué à sa gestion de carrière. Jamais de précipitation, donc, mais une progression construite pas à pas avec un horizon précis : arriver en Europe dans de bonnes conditions. Et c’est ce qui est en train de se produire pour le joueur acheté 4 millions d’euros. Une somme importante pour un club comme Dijon, qui dispose d’un des budgets les plus modestes de Ligue 1 (50 millions d’euros) et fait un pari original en misant sur un joueur de 26 ans recruté dans le championnat suisse, qui ne fait pas partie des meilleurs d’Europe.
Roger Assalé a derrière lui une première partie de carrière menée sans jamais se précipiter. Après un premier contrat professionnel signé à l’âge de 19 ans avec la Société omnisports de l’armée (SOA, à Yamoussoukro), il brille au sein du Séwé Sport de San Pedro, avec deux titres de champion de Côte d’Ivoire en 2013 et 2014 et une sélection en finale de la Coupe de la Confédération africaine de football (CAF) en 2014 ; mais il ne souhaite pas d’emblée convertir ces premiers faits d’armes en billet d’avion pour l’Europe. A cette époque, l’AJ Auxerre (France) suit pourtant de près celui qui, dès 2013, trouve tout naturellement sa place dans la sélection internationale de son pays.
Corbeaux et Eléphants
Issu de la classe moyenne abidjanaise, avec des parents travaillant dans la santé et l’enseignement, le garçon était davantage programmé pour les études que pour le sport. « Mais ma famille a vite compris que je voulais devenir professionnel et à partir de là, elle m’a soutenu dans mon projet », explique l’attaquant. Eugène Diomandé, le président du Sewé Sport, voit d’ailleurs en lui un jeune qui « a toujours fait preuve de sérieux, travaille beaucoup et a soif d’apprendre ». C’est à ses yeux « ce qui lui a permis de devenir rapidement un des cadres de l’équipe ».
En 2014, c’est finalement Moïse Katumbi, le président millionnaire du TP Mazembe, qui remporte la mise en convainquant le jeune homme de rejoindre le club de Lubumbashi, en République démocratique du Congo (RDC). Avec lui, Katumbi fait venir deux de ses coéquipiers de San Pedro, le gardien Sylvain Gbohouo et le milieu de terrain Christian Koffi. Un trio qui débarque contre un chèque global de 250 000 euros et que le club bichonne, les installant ensemble dans une grande maison pour atténuer le mal du pays. Pamphile Mihayo, l’entraîneur adjoint des Corbeaux, se souvient autant de l’application et du sérieux de Roger Assalé que de son contact naturel avec ses coéquipiers : « Arrivé discrètement, il a pris le temps de trouver ses marques et a vite été accepté. »
Mais dans la tête du jeune homme, le TP Mazembe n’est qu’une étape sur la route du Nord, car les Européens scrutent de près le club congolais. Et lui a fait le pari qu’il y aurait forcément l’occasion de se « mettre en valeur avant de rejoindre l’Europe », confie-t-il aujourd’hui. De fait, Roger Assalé remporte de nombreux titres en RDC, dont la Ligue des champions de la CAF en 2015 ; année où il gagne aussi, avec les Eléphants ivoiriens, la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Malgré le salaire confortable que lui offre Moïse Katumbi, il s’accroche donc à son rêve de rejoindre un club européen… même si c’est à son rythme : d’habitude, les Subsahariens qui n’ont pas franchi la Méditerranée à l’aube de leur vingtaine optent plutôt pour l’Asie.
Un passage en Espagne
Son plan fonctionne quand en février 2017, il est prêté aux Young Boys de Berne, l’un des meilleurs clubs suisses. Roger Assalé a 23 ans, il marque dès son premier match. Ses quelques buts, le duo explosif qu’il forme avec le Français Guillaume Hoarau et son style spectaculaire convainquent rapidement les dirigeants bernois de l’acheter. Cinq mois plus tard, c’est chose faite. Une stratégie finement mûrie que valide Gérard Castella, un ancien joueur du club désormais chargé de la formation. « Son choix de carrière est intéressant et bien pensé, estime-t-il. Après le TP Mazembe, il a opté pour un championnat européen intermédiaire qui sait mettre en valeur les joueurs. » Selon lui, le pari a fonctionné parce que Roger Assalé a su « s’acclimater rapidement au football européen et au changement de style de vie ».
A Berne, où il passe une partie de son temps libre avec des joueurs africains ou d’origine africaine, le jeune homme s’habitue peu à peu au climat – qu’il trouve tout de même rude –, à un football « plus rigoureux » et à une nouvelle culture. Sa pratique rudimentaire de l’allemand ne l’empêche pas de considérer cette expérience helvétique comme « très bénéfique, notamment avec les titres décrochés et les participations à la Ligue des champions ». Prêté à Leganés, en Espagne, en janvier dernier, l’Ivoirien s’imaginait bien poursuivre sa carrière dans un autre championnat du Top 5 européen. Cela aurait pu être Montpellier, comme on l’a cru il y a un an, mais c’est finalement Dijon qui a su le convaincre.
Source : Le Monde