Le nouveau président du Liberia doit faire face à de nombreux défis : changer l’image du pays, marquée par la guerre civile des années 1990 et la crise sanitaire et humanitaire d’Ebola, redresser l’économie et « aider les populations ». Mais avant tout, il lui faut répondre à l’urgence budgétaire : il faut 61 millions d’euros dans les trois mois. Rencontre.
«Je suis très fatigué.» Lorsqu’il reçoit Jeune Afrique ce 22 février à l’hôtel Peninsula, à Paris, George Weah fait d’emblée savoir que l’entretien sera court. Arrivé en France deux jours plus tôt pour sa première visite officielle hors du continent, il a enchaîné les rendez-vous sans répit. À chaque fois, il a plaidé pour un renforcement des liens entre l’Hexagone et le Liberia et mis en valeur les atouts économiques de son pays.
Comme pour rappeler que ce dernier ne se résume pas à la guerre civile qui l’a ravagé dans les années 1990 ou à l’épidémie d’Ebola qui l’a ébranlé entre 2014 et 2015. Devant les étudiants du Conservatoire national des arts et métiers, face aux patrons français du Medef, ou encore lors du déjeuner de travail qu’il a eu à l’Élysée avec Emmanuel Macron, l’ex-footballeur devenu président a en substance tenu ce même discours.
Urgence budgétaire
Le président a besoin de quelque 75 millions de dollars (61 millions d’euros) pour les trois prochains mois
Mais le nouvel homme fort de Monrovia doit d’abord faire face à ce qu’il nomme lui-même une « urgence budgétaire » : payer les salaires des fonctionnaires. Ses équipes ont entamé des discussions avec le FMI et la Banque mondiale. En France, elles ont obtenu un don de 10 millions d’euros après que le Liberia a été inscrit sur la liste des bénéficiaires prioritaires de l’aide de l’Agence française de développement (AFD). Mais on est encore bien loin du compte.
D’après son entourage, le président a besoin de quelque 75 millions de dollars (61 millions d’euros) pour les trois prochains mois. Un chiffre que Weah ne confirme ni ne dément. Peut-être son gouvernement pléthorique – 83 membres – n’a-t‑il pas aidé à résoudre ce problème. Mais le président tient à rappeler les mesures sociales prises depuis son investiture pour « aider les populations » : « Nous avons fait baisser les prix des biens de première nécessité et réduit les impôts. »
Économie affaiblie par une « mauvaise gestion »
Quand on n’a ni la stabilité sociale ni la stabilité politique, on ne peut pas travailler au développement économique
En cet après-midi hivernal, Mister George, entouré d’amis – parmi lesquels Georges Wega, le patron de la filiale sénégalaise de la Société générale – et de ses plus proches collaborateurs, se dit conscient de l’immensité de la tâche.
L’ancien sénateur du comté de Montserrado (Monrovia), qui avait déjà tenté de conquérir la présidence en 2005 et la vice-présidence en 2011, affirme avoir hérité d’un pays « économiquement très affaibli », plombé par une « mauvaise gestion » – fragilité aggravée par l’incertitude qui a régné pendant la présidentielle.
« Quand les gens n’étaient pas sûrs qu’il y aurait un deuxième tour, ils sont allés déposer leur argent dans les banques des pays voisins. » Dans certains bureaux des administrations, « tout a été volé », poursuit celui qui assure avoir commandé un audit des comptes publics pour avoir une idée précise de la situation du pays. Il promet d’être « très exigeant » dans la lutte contre la corruption, dont il fait sa priorité.
Pour autant, George Weah se refuse à blâmer son prédécesseur, Ellen Johnson-Sirleaf, à qui l’on reproche de ne pas avoir suffisamment agi dans le domaine. Au Prix Nobel de la paix 2011, qui a aussi reçu le prix Mo Ibrahim 2017 à la mi-février, il reconnaît le mérite d’avoir œuvré pour le retour de la paix.
« Quand on n’a ni la stabilité sociale ni la stabilité politique, on ne peut pas travailler au développement économique », rappelle-t‑il. Cela justifie-t‑il des compromis, voire des alliances avec d’anciens chefs de guerre tels que Prince Johnson, aujourd’hui sénateur ? Sur ce point, Weah (…)