La Commission électorale du Nigeria a assuré jeudi que les élections présidentielle et législatives, qui auraient dû avoir lieu samedi dernier et ont été reportées d’une semaine, auront bien lieu comme annoncé samedi 23 février.
La commission électorale avait été l’objet de toutes les critiques pour avoir reporté les élections générales (présidentielle, législatives et sénatoriales) du 16 au 23 février, quelques heures seulement avant l’ouverture des bureaux de vote, arguant de graves problèmes logistiques. « Je veux vous assurer que les élections auront bien lieu samedi », a promis le président de la Commission électorale indépendante (INEC), Mahmood Yakubu. « Il n’y aura pas de nouveau report. La commission n’envisage pas de report », a-t-il insisté.
Mahmood Yakubu a toutefois reconnu que seuls 19 des 36 États nigérians, ainsi que la capitale fédérale Abuja, avaient déjà reçu le matériel électoral, à deux jours du scrutin. Mais tous les États, à l’exception d’un seul, disposeront du nécessaire d’ici la fin de la journée, a-t-il assuré.
Plus de 84 millions d’électeurs sont enregistrés au Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique, et près de 120 000 bureaux de vote seront déployés sur un territoire grand comme une fois et demi la France (920 000 km²). La campagne électorale prend fin jeudi soir.
Le président Muhammadu Buhari, au pouvoir depuis 2015, cherche à obtenir un second mandat avec le soutien du Congrès des Progressistes (APC). Il a appelé jeudi les électeurs à « braver tous les défis et à aller voter ». « Vos votes seront pris en compte », a-t-il dit.
Son principal adversaire est l’ancien vice-président Atiku Abubakar, du Parti populaire démocratique (PDP), qui a rappelé jeudi que lors du scrutin en 2015, « les Nigérians, armés de leurs seules cartes électorales », ont provoqué un changement de président. « Samedi, ils en auront à nouveau la possibilité ».
Entre désarroi et résignation
Le ton est monté cette semaine entre les deux candidats, qui s’accusent mutuellement de tentatives de fraude. L’opposition a aussi accusé le président Muhammadu Buhari de rappeler « les heures sombres des dictatures militaires ».
Lundi, le chef de l’État s’était exprimé sans fard : si quelqu’un vole une urne électorale ou utilise des criminels pour perturber le scrutin, « ça sera probablement le dernier acte criminel qu’il commettra ». Une phrase perçue comme un appel à la haine et aux crimes extra-judiciaires, dont l’armée nigériane est souvent accusée.
Le Nigeria a effectué sa transition démocratique en 1999 après des décennies de dictatures militaires. Muhammadu Buhari, alors général, a gouverné le pays une première fois en 1983 après un coup d’Etat, laissant le souvenir d’un dirigeant honnête, mais intransigeant et particulièrement dur. Il avait alors marqué l’histoire, devenant le premier candidat de l’opposition à remporter un scrutin dans les urnes, après 16 années de pouvoir sans partage du PDP.
Le pays est resté calme, avec des Nigérians partagés entre désarroi et résignation, depuis l’annonce du report des élections, report dont le coût pourrait atteindre jusqu’à 2 points de PIB, soit 9 milliards de dollars selon certains économistes, pour l’État mais aussi pour les 190 millions de Nigérians, qui souffrent déjà d’une économie au ralenti et d’une forte inflation.
Et la situation sécuritaire reste très fragile : au-delà de l’insurrection jihadiste de Boko Haram qui ensanglante le nord-ouest depuis 2009, les tensions ethniques, identitaires et religieuses ont souvent alimenté dans le passé les violences post-électorales.
Ce n’est pas la première fois qu’une élection est reportée au Nigeria, depuis la fin des dictatures militaires en 1999. En 2011, les élections générales ont été retardées deux fois – et alors même que le vote avait déjà débuté, le président de la Commission électorale évoquant alors une situation d’ »urgence », avec de nombreux bureaux sans matériel électoral. Le Nigeria s’était ensuite embrasé dans des violences post-électorales entre chrétiens et musulmans qui avaient fait plus de 1 000 morts à travers le pays.
En 2015, le gouvernement du président Goodluck Jonathan avait également reporté le scrutin de six semaines, arguant des problèmes de sécurité dans le Nord-Est, après des années d’enlisement du conflit contre les jihadistes de Boko Haram.