Face à la forte contestation qui entoure les résultats provisoires de la présidentielle congolaise, la SADC a estimé nécessaire, dimanche, un « recomptage des voix ». L’organisation appelle en outre à la formation d’un « gouvernement d’union nationale ».
L’initiative vient d’Edgar Lungu. À la tête de l’organe chargé de la politique, de la défense et de la sécurité au sein de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), le président zambien encourage les acteurs politiques de la RDC à « envisager un règlement politique négocié » après la publication par la Ceni des résultats provisoires – contestés – de la présidentielle du 30 décembre.
« Ayant pris note des doutes sérieux émis par l’Église catholique romaine – qui avait déployé plus de 40 000 observateurs – mais aussi par la coalition Lamuka et par d’autres observateurs concernant les résultats du scrutin [présidentiel] en RDC, la SADC estime qu’un recomptage [des voix] permettrait de rassurer les gagnants et les perdants », peut-on lire dans un communiqué de l’organisation sous-régionale daté de ce dimanche 13 janvier.
Vers un « recomptage public » des voix ?
Allant encore plus loin, Christoph Vogel, chercheur et ancien membre du groupe d’experts onusiens sur la RDC, estime qu’« étant donné les multiples contestations, un recomptage public et transparent serait un facteur crucial pour crédibiliser les trois scrutins – présidentiel, législatif et provincial – du 30 décembre ». D’autant que « même la SADC semble avoir tranché de façon assez claire sur ce point », ajoute-t-il.
De son côté, la SADC affirme également avoir « exhorté les autorités congolaises à dissiper rapidement tous [ces] éléments de doute qui pourraient saper les élections (…) et constituer un danger pour la paix et la stabilité du pays ».
DES GOUVERNEMENTS D’UNION NATIONALE ONT EU BEAUCOUP DE SUCCÈS EN AFRIQUE DU SUD, AU ZIMBABWE ET AU KENYA », RAPPELLE EDGAR LUNGU
Le compromis politique à rechercher passerait ainsi, selon Edgar Lungu, par la formation d’un « gouvernement d’union nationale ». Le président zambien affirme en avoir parlé à dirigeants de la SADC et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIGLR), mais aussi à l’opposant Félix Tshisekedi, déclaré vainqueur provisoire de la présidentielle, ainsi qu’à d’autres parties prenantes congolaises à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
« La SADC attire l’attention des politiciens congolais sur des arrangements similaires qui ont eu beaucoup de succès en Afrique du Sud, au Zimbabwe et au Kenya, où des gouvernements d’union nationale ont créé la stabilité nécessaire à une paix durable », insiste Edgar Lungu.
Selon lui, cette option permettrait de « renforcer la confiance, de créer des ponts et de renforcer les institutions gouvernementales démocratiques et le processus électoral, pour un Congo meilleur ».
« Une solution qui viole le droit du peuple »
Un point de vue qui ne recueille pas totalement l’assentiment de Fred Bauma, l’une des figures emblématiques du mouvement citoyen congolais Lucha. « Depuis les concertations nationales de septembre 2013, la RDC connaît des gouvernements d’union nationale mais cela n’a jamais été un succès : ni en termes de stabilité politique ni pour résoudre les problèmes des Congolais en ce qui concerne la sécurité, l’économie ou le social », rappelle l’activiste à JA.
Et de poursuivre : « On ne peut pas vouloir la démocratie et accepter continuellement une solution qui viole le droit du peuple à désigner ses dirigeants. Ce n’est pas comme ça qu’on peut construire un système démocratique durable ».
Pour Lamuka, la coalition de Martin Fayulu, qui revendique toujours la victoire de son candidat, le message de la SADC traduit avant tout « la nécessité de recompter les voix avant d’envisager, avec le vrai gagnant qui en sortirait, la formation d’un gouvernement d’union nationale ».