Monsieur le Président,
Par où commencer une adresse devant vous et devant une foule aussi nombreuse en de pareilles circonstances ?
Que dire ? que dire qui n’ait pas encore été dit ?
J’ai cherché mes mots, j’ai cherché des mots pour mieux vous traduire ces moments intenses que nous vivons ensemble depuis votre retour ici en pays Wê ?
Chez nous en pays Wê, l’on traduit souvent les moments de la vie par des proverbes, des noms proverbiaux.
Celui qui me vient à l’esprit encore cet après-midi Wê est : Zonsedwéni, ce qui veut dire :
« les jours se suivent et ne se ressemblent pas »
Monsieur le Président, depuis deux jours maintenant vous êtes là avec nous pour entendre comme nous, au fond de votre cœur, ce proverbe raisonner comme une note d’espoir: demain, les jours se suivront et ne ressembleront pas à nos jours d’hier et d’aujourd’hui.
Hier, chez nous, dans le pays wê comme cela vous a été dit hier à Duekoué, les jours se suivaient et se ressemblaient. Pour nous tous qui vivons ici dans le pays Wê, Mandé du Nord et du Sud, Malinké, Akan, originaires des pays de la CEDEAO, Krou et majoritairement les Wê autochtones, ces jours étaient des jours de pleurs et de douleurs profondes.
C’étaient des jours cruels où vous pouviez entendre les cris de détresse et de désespoir dans les villages, les quartiers incendiés sous les effets de la haine de l’autre. C’étaient des jours où le «tonnerre» a grondé de manière continue pour détruire nos cases, nos maisons, nos biens professionnelles et privées.
C’étaient des jours de séparations atroces de l’enfant d’avec sa mère, du mari d’avec sa femme, du frère d’avec sa soeur ; des jours d’explosions nucléaires de nos familles.
Nos frères, nos sœurs, nos mères, nos pères sont morts affamés, fusillés, torturés, sur les routes, dans les forêts, dans les fleuves et dans les rivières, dans leurs villages, dans leurs quartiers, dans leurs maisons.
Les 3000 morts de la crise socio politique de 2010 sont majoritairement de chez nous.
Nos parents, nos amis, nos proches, nos compatriotes, nos voisins sont partis ; ils ont trouvé, pour les plus chanceux d’entre eux, refuge au Libéria, au Mali, au Burkina, en Guinée… ils reviendront peut-être un jour …
Tous les jours que Dieu fait, pour nous, les jours se suivent et se ressemblent. Nous scrutons le chemin du village, du quartier dans l’espoir qu’ils reviennent un jour…
Et la vérité nous rattrape à chaque instant; ces milliers de frères et sœurs, de parents, d’amis de Facobly, de Duekoué, de Kouibly de Bangolo, de Guiglo, de blolequin, de Tai, de Toulépleu, ils ne reviendront plus jamais.
Les morts de Guitrouzon, Fengolo, Blody, Souebly et Mayebly, la fosse commune de Duékoué Carrefour, les morts de Cocoman à Duékoué, de Nahibly camp de réfugiés dans le Guemon, ne reviendrons plus jamais.
Monsieur le Président,
ces jours de malheur de 1999, de 2000, de 2002, de 2010, de 2020 ont déchirés nos cœurs meurtris et fissurés la riche cohésion que nous formions dans la diversité de nos peuples.
Aujourd’hui Monsieur le Président, nos douleurs et nos blessures sont encore profondes.
Nos forêts sont illégalement occupées et exploitées sauvagement; le Mont PEKO, la forêt de SCIO, dévastées par des légions d’immigrants méconnus de nos chefs de villages et de notre administration.
Les rapports entre les populations autochtones, allogènes et allochtones se sont déséquilibrés du fait de cette forte immigration qui continue d’ailleurs avec des flux encore plus importants depuis plusieurs années.
Dans certaines zones la population des immigrés dépasse 75% de l’ensemble de la population autochtone de cet espace.
Toutes les opportunités de richesse minière, qui nous restent encore, sont exploitées clandestinement à ciel ouvert, par ses migrants, détruisant ainsi notre sous-sol à grande vitesse.
L’écosystème de nos deux belles régions, vertes de leurs forêts naturelles et de ses grands fleuves qui l’arrosent comme le Sassandra et le N’Zo, est en pleine déstructuration ; les repères des saisons se sont déplacés et perturbent le mode de vie de nos populations.
La plus grande part de nos terres cultivables est occupée de force et certains de nos compatriotes ont perdu leurs plantations, à cause de la pauvreté qui sévit chez nous avec plus de 60% comparé au niveau national de 40 %.
Notre Cacao dont le prix fixé par l’Etat à 825 FCFA le Kg sera acheté à nos parents dans les villages à 600 FCFA voir 500 FCFA le Kg dans certaines zones.
En l’absence d’un processus sincère pour une réconciliation vraie, les rancœurs entre les populations allogènes, autochtones et allochtones sont toujours latentes et les conflits inter-communautaires, alimentés par des incidents mortels, sont toujours fréquents.
Monsieur le Président, le temps me manque pour vous parler du système éducatif qui s’effondre chez nous avec des taux de réussite aux examens scolaires plus que inquiétants pour l’avenir de nos enfants: 6 % de taux de réussie à Bangolo, 11 % à Duekoué ….
Le temps me manque pour vous parler des infrastructures socio-économiques, des routes impraticables entre nos villes, entre villes et nos villages, entre nos sous-préfectures ; les motos-taxi sont devenues notre moyen moderne de transport par exellence avec leurs lots d’accidents mortels.
Le temps me manque pour vous parler de notre jeunesse sans emploi ainsi que de nos femmes, de nos hommes qui ont perdus leurs repères avec un taux d’oisiveté élevé qui participe fortement à la fragilisation de notre potentiel humain par l’alcool.
Le temps me manque pour vous parler des centres de santé, des hôpitaux sous équipés, où le malade, appauvri, doit tout payer…
Le temps me manque pour vous parler d’insécurité persistante dans nos régions, hier, théâtres d’affrontements fratricides, de guerre…
Monsieur le Président,
La douleur nous a brisée et nos cœurs sont encore en peine ; les jours se suivent et se ressemblent.
Et pour paraphraser Monsieur le Ministre Gouverneur du district des montagnes, «nous sommes les derniers».
Monsieur le Président, pour nous tous ici présents je vous l’avais dit d’entrée, votre visite dans le Guemon et le Cavaly, en pays Wê, sonne comme l’écho d’une espérance nouvelle pour notre pays la Côte d’Ivoire et pour nous même.
Votre Aîné, son Excellence Aimé Henri KONAN BEDIE, Ancien Président de la République, Président du PDCI -RDA m’a chargé de vous féliciter pour la grandeur de tous les actes de compassion que vous venez de poser ici pendant ses quelques jours.
Le Président BEDIE m’a chargé de vous dire YAKO, YAKO, YAKO.
Le Président BEDIE me charge aussi de renouveler, à vos côtés, sa sincère et profonde compassion à tous ses frères, ses sœurs, ses parents, ses amis, aux peuples qui vivent ici.
Chers parents, le Président Henri Konan BEDIE, Président du PDCI-RDA a chargé tous vos enfants membres du PDCI-RDA ici Présents de vous dire :
YAKO, YAKO, YAKO
AHOSÈ, AHOSÈ, AHOSÈ
Chers parents, chers frères, chères sœurs,
que devons-nous faire maintenant ? Accumuler nos souffrances et nourrir les rancœurs d’hier et les déceptions d’aujourd’hui pour détruire définitivement le petit fond de cohésion qui nous reste ?
Ou imaginer ensemble avec FOI l’avenir de notre pays, la Côte d’Ivoire en décuplant en chacun d’entre nous tout le potentiel ainsi que toutes les ressources positives nécessaires à la construction d’une grande nation ?
Les réponses à ses questions se trouvent dans les mots que le Président BEDIE avait adressé au Président Laurent GBAGBO le 11 juillet 2021 à DAOUKRO et je le cite :
Notre responsabilité commune devant l’histoire est grande. La plus grande expression d’amour que nous pouvons offrir à notre pays aujourd’hui même et aux générations futures passe absolument par le renoncement de toutes nos peines et nos souffrances. Les leçons tirés avec courage de nos incompréhensions passées doivent être de puissants leviers pour construire une paix durable au bénéfice du bonheur de chacun et du progrès pour tous.
Monsieur le Président, comme vous ma FOI en la Côte d’Ivoire fraternelle n’a jamais failli malgré mes propres douleurs, mes propres souffrances du passé.
Fin de citation.
C’est donc dans notre fragilité, notre vulnérabilité que notre fraternité prend tout son sens. La fraternité devient alors pour nous tous, un défi qui alimentera une vision nouvelle pour notre nation.
La fraternité devient, pour chacun, chacune d’entre nous, une exigence pour construire la Côte d’Ivoire réconciliée, unie et prospère.
Construire la Côte d’Ivoire fraternelle devient alors un engagement individuel et commun, pour tracer ensemble le chemin d’un nouveau destin.
La Côte d’Ivoire fraternelle dont nous parle le Président Henri KONAN BEDIE sera possible grâce à une meilleure connaissance de la vérité sur les événements passés;
C’est à dire des circonstances de la violation grave des droits de l’homme dans nos régions couplée avec une expression collective du pardon pour rapprocher d’avantage nos différentes communautés afin de laver ensemble nos blessures.
La Côte d’Ivoire fraternelle sera possible par la construction d’institutions républicaines consensuelles et stables dans la durée dont la CEI, le Conseil Constitutionnel au service de la démocratie.
La Côte d’Ivoire fraternelle sera possible avec un partage équitable des richesses entre toutes les régions du pays en tenant compte du recul occasionné par les crises successives et les risques encourus sur les plans du développement humain et de l’accroissement de la pauvreté.
La Côte d’Ivoire fraternelle devra absolument donner suffisamment de gage pour une justice indépendante, équitable et impartiale;
Les responsables de violations graves aux droits humains indépendamment de leur opinion politique, religieuse, ethnique, et raciale doivent être poursuivis.
La Côte d’Ivoire fraternelle sera marquée par une gouvernance administrative qui tienne compte de la diversité sociologique de notre pays; la gouvernance économique sera aussi caractérisée par une allocation responsable et productive des ressources financières de la Nation.
La Côte d’ivoire fraternelle sera une nation de la solidarité entre les générations.
La Côte d’Ivoire fraternelle sera la terre de la liberté d’expression dans le strict respect de la Loi ;
La Côte d’Ivoire fraternelle retrouvera les valeurs fondatrices de sa devise : union , discipline , travail.
La Côte d’Ivoire fraternelle sera une nation réconciliée et unie avec la participation de tous les fils et les filles à la reconstruction de la nation ; Aucun ivoirien, aucune ivoirienne ne sera contraint à un exil forcé.
Alors, Monsieur le Président et chers parents comme l’avait dit le Président Henri KONAN BEDIE le 11 juillet 2021 à Daoukro en citant le psalmiste , ceux qui marchent en pleurant reviendrons avec des cris de joie… Alors les Nations dirons que l’Éternel a fait pour nous de grandes choses et nous serons dans la joie.
Le président Henri KONAN BEDIE me charge de vous dire encore YAKO, YAKO, YAKO
AHOSÈ, AHOSÈ, AHOSÈ
Comme le Président Laurent Gbagbo nous l’a dit hier,
Le Président BEDIE nous demande aussi de tourner ensemble la page de la douleur pour regarder ensemble l’avenir de notre pays avec courage et détermination dans le pardon mutuel.
Le Président BEDIE nous demande de rester solidaires et unis dans la confiance mutuelle ;
Le Président BEDIE nous invite à la FOI agissante par un dialogue inclusif avec la participation de tous les ivoiriens et de toutes les ivoiriennes pour construire ensemble la Côte d’Ivoire fraternelle et démocratique à laquelle nous rêvons tous.
Demain sera alors un jour nouveau pour nous tous et la Côte d’Ivoire notre beau pays retrouvera définitivement la paix et la prospérité.
Notre proverbe d’introduction deviendra une réalité, une vérité pour nous tous et pour chacun : Zonsedouéni.
Les jours se suivront et ne se ressembleront pas.
Ils seront tous, des jours de fraternité et de bonheur continus pour tous.
En wê
Monsieur le Président, chers parens, chers frères, chères soeurs,
je veux conclure en paraphrasant le philosophe français Paul DOREY : la Douleur nous a brisé, la fraternité nous relèvera, et de nos blessures jaillira un fleuve de liberté.
Que Dieu vous bénisse tous
Je vous remercie