Dans un dossier sur les salaires des joueurs de la Ligue 1, le quotidien « L’Equipe » révèle que, dans plusieurs clubs, le joueur le mieux payé est un Africain.
En France, la moitié des joueurs de la Ligue 1 gagnent moins de 35 000 euros net par mois. Les autres touchent un peu plus, où même beaucoup plus, comme le Brésilien Neymar (3 060 000 euros), le Français Kylian Mbappé (1 910 000 euros), ou encore Thiago Silva, un autre Brésilien, qui émarge à 1 500 000 euros. Tous évoluent au Paris-Saint-Germain et il n’est donc pas surprenant de constater que l’Africain le mieux rémunéré de la Ligue 1 – le Sénégalais Idrissa Gueye, 500 000 euros par mois – porte lui aussi les couleurs du club de la capitale. Idrissa Gueye figure, avec l’Algérien Islam Slimani (quatrième salaire à Monaco) et le Burkinabé Bertrand Traoré (troisième salaire à Lyon), dans le top 30 des footballeurs les mieux rémunérés de France, avec des salaires mensuels respectifs de 380 000 euros et 350 000 euros.
- Idrissa Gueye, Islam Slimani et Bertrand Traoré, le trio gagnant
A la lecture des chiffres révélés par L’Equipe, il est intéressant de constater que, dans plusieurs clubs, le joueur le mieux payé est un Africain. C’est le cas pour le Tunisien Wahbi Khazri (Saint-Etienne, 210 000 euros), l’Ivoirien Max-Alain Gradel (Toulouse, 190 000 euros), le Nigérian Moses Simon (Nantes, 150 000 euros), le Camerounais Stéphane Bahoken et le Marocain Rachid Alioui (Angers, 70 000 euros), le Ghanéen Majeed Warris (Strasbourg, 80 000 euros), le Gabonais Bruno Ecuele Manga et l’Algérien Yassine Benzia (Dijon, 95 000 euros), le Sénégalais Moussa Konaté (Amiens, 100 000 euros), le Togolais Alaixys Romao (Reims, 60 000 euros), et le Sénégalais Habib Diallo (Metz, 80 000 euros). Et dans d’autres clubs, certains joueurs africains font partie des mieux payés, tels l’Algérien Adam Ounas (Nice, 180 000 euros) ou le Sénégalais Mbaye Niang à Rennes (220 000 euros).
- Quand Sadio Mané gagnait 3 000 euros à Metz
Les salaires des joueurs africains ont tendance à augmenter ces dernières années, et cela devrait encore s’accentuer à partir de la saison 2020-2021, grâce à l’explosion des droits TV. « Les clubs ont davantage de moyens. Les joueurs en profitent. En ce qui concerne les Africains, c’est la même chose. Leur rémunération est liée à plusieurs éléments. Par exemple, les attaquants sont souvent mieux payés que les autres. L’âge compte également, mais pas la nationalité. En tout cas, pas dans notre club. A niveau égal, on ne fera pas de différence selon que le joueur est sénégalais ou zimbabwéen », explique sous couvert d’anonymat un dirigeant.
Du côté du FC Metz, où les trois plus gros contrats sont détenus par des Africains, le président Bernard Serin précise le système de rémunération choisi par le club. « Nous sommes partenaires de Génération Foot, au Sénégal. Des joueurs commencent leur formation à Dakar, débutent parfois en Ligue 1 sénégalaise avant de venir à Metz. Ce fut le cas pour Sadio Mané, qui a commencé chez nous en Ligue 2 à 3 000 euros par mois. Le principe, c’est de proposer, pour un premier contrat professionnel, le même salaire, que les joueurs aient effectué toute leur formation à Metz, où qu’ils soient arrivés en provenance du Sénégal, comme Habib Diallo. »
- Encore quelques réticences liées au statut d’international africain
Ce dernier, meilleur buteur de Ligue 2 en 2018-2019, a vu ses émoluments augmenter avec l’accession en Ligue 1, et passer à 70 000 euros par mois. « C’est une juste récompense. On a prolongé son contrat, avec une nette revalorisation salariale, car on connaît sa valeur. Il est en France depuis 2013. En revanche, pour un joueur qui arrive d’Afrique, comme le Malien Adama Traoré, recruté en 2018 en provenance du TP Mazembe, le premier salaire est assez bas. Car il y a des interrogations sur sa valeur intrinsèque. La différence entre le championnat de RDC et la Ligue 1 française est grande. On regarde aussi comment le joueur s’adapte à son nouvel environnement. Mais si le joueur donne satisfaction, il sera rapidement augmenté », poursuit Bernard Serin.
Le statut d’international africain peut cependant constituer un obstacle au moment des négociations salariales. « Les clubs savent qu’il y a la CAN tous les deux ans, et que les joueurs partent disputer des matchs de qualification en Afrique, avec des voyages parfois longs, sur des pelouses qui peuvent entraîner des blessures. J’ai été joueur, puis agent, et je sais que les réticences existent encore », intervient l’ancien international camerounais Patrick Mboma.
- Patrick Mboma : « Les salaires des Africains augmentent »
Celui-ci, qui a notamment joué au Paris-Saint-Germain et à Metz, gagnait, lors de sa carrière en France, entre 7 000 et 10 000 euros brut. « Les chiffres actuels me font dire que je suis arrivé trop tôt sur cette Terre. Plus sérieusement, je constate que les salaires des Africains augmentent car, à mon époque, le traitement n’était pas le même. Il y avait une forme de discrimination sportive. On était conscient de la qualité du joueur mais, dans l’esprit des gens, comme il était africain, cela devait coûter moins cher. D’ailleurs, cela se vérifie également pour les transferts. Depuis, les mentalités ont évolué. On paie très bien les meilleurs joueurs. Cela dit, je pense qu’il y a encore parfois quelques disparités. A la base, un Brésilien sera mieux payé qu’un Camerounais, lequel sera lui-même mieux loti qu’un Libérien. Pour les joueurs qui arrivent directement d’Afrique, il existe toujours, depuis l’Europe, des doutes sur le niveau du professionnalisme des championnats africains », précise Patrick Mboma.
L’agent français Stéphane Canard, président de l’Union des agents sportifs de football (UASF), et qui travaille avec plusieurs joueurs africains (Aymen Abdennour, Adama Ba, Jean-Eudes Aholou, Mamadou Samassa), apporte plusieurs précisions. « Un joueur, qui est international, sera en position de force pour négocier un meilleur salaire, même si certains clubs européens peuvent être réticents parce qu’ils vont les voir partir disputer la CAN ou des matchs en Afrique. C’est rare, mais cela existe », explique l’agent. Des clubs français peuvent également faire bouger leur grille salariale pour recruter un joueur africain venant d’un championnat plus rémunérateur. C’est le cas de Dijon, qui offre 95 000 euros par mois à Bruno Ecuele Manga, lequel en gagnait un peu plus de 150 000 euros à Cardiff City (Premier League anglaise). « C’est que cela répond à une demande forte du staff technique, et le club va faire l’effort », précise Stéphane Canard.
Il est fréquent, également, que des joueurs africains, arrivant directement de leur pays d’origine, acceptent sous la pression de leur entourage un salaire modeste. « Imaginez un footballeur qui, dans son pays, gagne 300 ou 400 euros par mois, que ses parents en gagnent 100 chacun. Un club français va lui proposer 5 000 euros, parce que cela correspond à la grille salariale en vigueur. Il arrive que, sous la pression d’un entourage qui voit en cette somme une manne providentielle, le pousse à accepter, alors qu’il aurait pu en espérer le double », poursuit Stéphane Canard. Mais aujourd’hui, en Ligue 1 française, les joueurs africains gagnent majoritairement (très) bien leur vie. Et la tendance ne devrait pas s’inverser de sitôt.