Le corps sans vie du musicien rwandais Kizito Mihigo, considéré comme un opposant au régime rwandais, a été découvert dans sa cellule de prison. Il avait été arrêté le 13 février 2020.
Le chanteur chrétien Kizito Mihigo, 38 ans, accusé de conspiration puis gracié avant d’être à nouveau arrêté le 13 février 2020, a été retrouvé mort dans sa cellule dans la matinée du 17 février 2020, rapporte RFI, citant un communiqué de la police rwandaise. « Kizito Mihigo était de nouveau derrière les barreaux depuis trois jours, un an et demi après avoir été libéré par grâce présidentielle. Cette fois, il était soupçonné d’avoir voulu traverser illégalement la frontière burundaise pour rejoindre des groupes rebelles », indique RFI.
Selon le communiqué de la police rwandaise, il s’agit d’un « suicide ». « Une enquête a été ouverte pour déterminer les raisons de son suicide », a déclaré le porte-parole de la police John Bosco Kabera, rapporte l’AFP.
La porte-parole du Rwanda Investigation Bureau (RIB, police judiciaire) Marie Michelle Umuhoza, dont les propos ont été recueillis par la Rwanda Broadcasting Agency, a indiqué pour sa part que Kizito Mihigo avait utilisé des draps pour s’étrangler.
JUST IN:
Troubled singer Kizito Mihigo has allegedly committed suicide, according to @Rwandapolice statement.
This Monday morning, Kizito was found dead in police cell at Remera Station. He was recently arrested while attempting to bribe his way out of the country illegally. pic.twitter.com/pOuIrvOL2T— Rwanda Broadcasting Agency (RBA) (@rbarwanda) February 17, 2020
(Le chanteur controversé Kizito Mihigo se serait suicidé, selon un communiqué de @Rwandapolice.
Ce lundi matin, Kizito a été retrouvé mort dans une cellule du poste de police de Remera. Il a récemment été arrêté alors qu’il tentait de quitter le pays illégalement en échange de pots-de-vin.)
L’artiste, qui a survécu au génocide au Rwanda et dont les chansons provoquaient la colère des autorités rwandaises, avait été condamné à une peine de dix ans de prison en 2015 pour conspiration. Ses avocats avaient souligné l’absence de preuves contre leur client. Mais ce dernier avait plaidé coupable lors de son procès, indique Jeune Afrique.
Kizito Mihigo, né le 25 juillet 1981, avait été accusé en 2014 d’avoir mobilisé des jeunes pour des mouvements rebelles en exil dont des membres sont accusés d’avoir activement participé au génocide de 1994 qui a fait 800 000 morts, essentiellement parmi les Tutsis, selon l’ONU.
Célèbre pour son engagement pour la paix et la réconciliation
Il s’est attiré les foudres du Front populaire rwandais (FPR au pouvoir) en 2013 après avoir composé des chansons qui remettaient en question le contrôle strict du gouvernement sur l’héritage de la tragédie de 1994. Sa musique, autrefois populaire auprès des élites dirigeantes, a été rapidement interdite. Kizito Mihigo interprétait l’hymne national lors de cérémonies officielles, dont certaines en présence du président Paul Kagame.
En 2014, explique Jeune Afrique, « à quelques mois des commémorations du génocide commis contre les Tutsis du Rwanda, l’artiste publie une chanson – Igisobanuro cy’Urupfu (L’explication de la mort) – qui déclenche une forte polémique, le titre étant accusé de mettre sur un pied d’égalité le génocide et les actes de vengeance commis contre les Hutus. »
Après sa libération en septembre 2018, le célèbre chanteur avait remercié le président Paul Kagame et rappelé son engagement pour la paix et la réconciliation dans son pays. « Laissez-moi d’abord remercier le président Kagame qui, par ma libération, a donné un coup de pouce à l’unité et à la réconciliation nationale puisque je compte continuer mes activités en tant qu’artiste chrétien en faveur de la paix et de la réconciliation nationale (…), confiait-il alors sur les antennes de RFI.
« Depuis la fin de la tragédie rwandaise, peut-on lire sur le site officiel du chanteur, Mihigo est une figure majeure de la musique religieuse au pays des mille collines. Très populaire également pour ses chants de mémoire et de pardon longtemps utilisés pendant les cérémonies nationales de commémoration du génocide, en 2010 il a créé la Fondation Kizito Mihigo pour la Paix (KMP), une organisation non-gouvernementale œuvrant pour la paix et la réconciliation. »
D’autres personnalités critiques du pouvoir sont mortes de manière suspecte
Les réactions fusent sur la Toile depuis l’annonce de sa mort. Certains saluent la mémoire de l’artiste engagé quand d’autres soulignent le caractère suspect de sa mort.
Kizito Mihigo n’est pas la première personnalité critique envers le gouvernement à mourir de manière suspecte pendant une détention au Rwanda. En 2019, un ancien directeur général du bureau du président Kagame a été retrouvé mort dans une prison militaire après avoir été condamné à 10 ans pour corruption. En 2015, le médecin personnel de Kagame, Emmanuel Gasakure, a été abattu par la police alors qu’il était en détention.
Au pouvoir depuis 1994, Paul Kagame est accusé de diriger le pays d’une main de fer, de réprimer toutes les formes de dissidence et d’emprisonner ou d’exiler des politiciens de l’opposition. Human Rights Watch a notamment accusé le régime d’exécutions sommaires, d’arrestations, de détentions illégales et de tortures en détention.