Après les tentatives infructueuses du ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, et du chef de l’État sénégalais Macky Sall, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine (UA), c’est au tour de dignitaires religieux ivoiriens d’intercéder en faveur des 49 militaires interpellés le 10 juillet au Mali. Inculpés pour « tentative d’atteinte à la sûreté de l’État », ces derniers ont été écroués à Bamako.
La délégation, arrivée le 20 août et composée d’une trentaine de personnes, est conduite par l’imam Cheick Malick Konaté, guide du Groupe de réflexion islamique, spirituel et ésotérique (Grise). Le prédicateur à l’autorité grandissante, disciple de Cheick Ibrahim Sonta, défunt khalife général des Tidjanes en Côte d’Ivoire, prêche dans une mosquée de Cocody, à Abidjan. À l’occasion de sa visite, il a notamment rencontré l’imam Chérif Ousmane Madani Haïdara, très influent prédicateur malikite qui préside le Haut conseil islamique (HCI) du Mali.
L’oreille d’Alassane Ouattara
Tous ont été reçus le 22 août par les ministres Abdoulaye Diop (Affaires étrangères) et Abdoulaye Maïga (Administration territoriale et Décentralisation), lequel avait été nommé la veille Premier ministre intérimaire. Lors de la rencontre, les dignitaires religieux ont évoqué les conséquences négatives de l’affaire pour la communauté malienne de Côte d’Ivoire et prôné la clémence des autorités de transition. Abdoulaye Diop et Abdoulaye Maïga ont ensuite rappelé la position de Bamako et promis de répondre à ces doléances avant que la délégation ne quitte le Mali, le 25 août. Celle-ci était également censée être reçue ce 22 août par l’imam Oumarou Diarra, ancienne figure religieuse du M5 et désormais ministre des Affaires religieuses. Le rendez-vous a finalement été annulé par ce dernier, compte tenu de la sensibilité du dossier.
La mission menée par Cheikh Malick Konaté, composée d’imams et de représentants des Églises catholiques et évangéliques ivoiriennes, a bénéficié de l’appui financier et de l’entregent d’influents hommes d’affaires maliens présents en Côte d’Ivoire. Parmi eux, Cessé Komé et Maouloud Ben Moctar. Installé sur les bords de la lagune Ébrié depuis plus de trente ans, le premier est cité par plusieurs de nos sources. Contacté par JA, il dément formellement toute implication dans les négociations, précisant d’ailleurs qu’étant en Allemagne, il ne s’est pas rendu au Mali. Propriétaire du Radisson Blu d’Abidjan, ainsi que de celui de Bamako, c’est dans ce dernier établissement que la délégation est logée.
Résidant lui aussi en Côte d’Ivoire, Ben Moctar a l’oreille d’Alassane Ouattara et du ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara, qui est par ailleurs le frère du président. Il a récemment joué le rôle d’intermédiaire dans la signature de plusieurs contrats d’armement. Selon nos informations, Maouloud Ben Moctar entretient un contact régulier avec le capitaine Demba N’Daw, directeur de cabinet du président de la transition au Mali, Assimi Goïta. Il a également accès aux colonels putschistes Sadio Camara, ministre malien de la Défense, et Modibo Koné, patron de la sécurité d’État, ainsi qu’aux ministres Abdoulaye Diop et Abdoulaye Maïga.
Retour anticipé
Toujours selon nos informations, Maouloud Ben Moctar a facilité la visite, au début d’août, de deux diplomates ivoiriens basés à Bamako auprès des soldats interpellés. C’est à l’école de gendarmerie de la capitale malienne, où ces derniers sont détenus, que Kouadio Konan, chargé d’affaires auprès de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire, et le colonel Brahima Doumbia ont ainsi pu les rencontrer.
Avant de s’envoler pour le Mali, les dignitaires religieux ont reçu l’assentiment des autorités ivoiriennes qui s’activent pour faciliter la libération de leurs prisonniers. Signe de l’urgence de la situation, Alassane Ouattara a préféré écourter ses vacances à Mougins, dans le sud de la France, où il se trouvait depuis le 13 août. Alors qu’il comptait regagner Abidjan le 30, le chef de l’État a finalement fait son retour une semaine plus tôt.