Dans le bras de fer complexe qui les opposent à leurs agents distributeurs de mobile money depuis avril, les opérateurs télécoms ivoiriens veulent-ils éviter d’être mis dans le même sac que Wave ?
Samedi 20 août, à la suite d’un mouvement de grève mené du 9 au 15 août par le Syndicat national des propriétaires de points de vente mobile money de Côte d’Ivoire (Synam-CI) et ses homologues du SYMOPCI, de l’AMIMOMOCI et de l’APDVCI, l’Union nationale des entreprises de télécommunications (Unetel), syndicat patronal des télécommunications qui réunit MTN, Moov et Orange, a publié un communiqué dénonçant « les perturbations, voire l’arrêt de la fourniture des services de mobile money » au sein de points de vente dans tout le pays au cours de cette période, et malgré une obligation de service minimum.
Le texte diffusé en ligne et relayé sur Twitter par Mamadou Bamba, directeur général d’Orange Côte d’Ivoire et président de l’Unetel, fait également allusion à de « graves actes de vandalisme et d’atteinte à l’intégrité physique des personnes dans certains points de vente des établissements émetteurs de monnaie électronique (EME), filiales des opérateurs télécoms ». Il s’insurge enfin contre l’application de « frais supplémentaires » de 100 à 500 francs CFA à ceux déjà existants, que les agents ont décidé d’instaurer à l’issue de leur grève afin de compenser leurs pertes de revenus.
« Nous ne pouvions pas rester indifférents à ce qu’il s’est passé pendant cette période et devions en expliquer les raisons au grand public », justifie Mamadou Bamba, dont l’entreprise perd actuellement de l’argent sur l’activité Orange Money. « Nous réalisons une marge nette négative sur une activité que nous continuons pourtant de soutenir afin de préserver le réseau de distribution, confirme Mamadou Bamba. Mais nous ne pourrons pas le subventionner ad vitam aeternam », regrette le dirigeant qui plaide pour qu’un taux plancher de commissionnement soit mis en place afin de garantir la stabilité de l’écosystème. Selon nos informations, lorsque Orange prélève 0,8 % de commission auprès des utilisateurs, ce même opérateur doit assumer 0,9 % de charges.
Wave désigné responsable
Outre le sujet des agents, l’organisation patronale dirigée par Gertrude Kone Kouassi ne manque pas de rappeler que la crise qui bouleverse l’équilibre du secteur a été amorcée par un seul acteur : Wave. « La baisse des tarifs provoquée par l’entrée d’un nouvel acteur avec un modèle agressif sur les prix a occasionné des pertes considérables pour les EME et leurs distributeurs, allant jusqu’à un résultat net négatif et des pertes d’emplois », souligne le texte qui ne cite jamais nommément la start-up au pingouin sur fond bleu.
Et les opérateurs de rappeler leur rôle dans l’inclusion financière et la création d’emplois directs et indirects dans le pays. « On néglige un réseau économique qui contribue aussi au lien social : l’agent est aussi celui qui accompagne les personnes analphabètes dans leurs démarches de dépôts et retrait dans les petits villages », commente le président de l’Unetel. Contacté par Jeune Afrique, Coura Sène, directrice régionale pour la région UEMOA de Wave, a indiqué n’avoir « aucun commentaire » à faire.
Les opérateurs télécoms, eux, estiment que l’État n’a pas suffisamment joué son rôle de médiateur dans cette affaire. Pour rappel, à l’invitation du ministre de l’Emploi et de la Protection sociale, Orange, Moov, MTN, Wave et les représentants des détaillants s’étaient mis autour de la table en avril pour discuter d’une solution de sortie de crise.
La menace de grève des détaillants avait alors été abandonnée et le ministère avait obtenu que les opérateurs discutent avec Wave pour trouver un consensus. Ce dernier devait également suspendre la mise en place de sa nouvelle grille de commissionnement, qu’il a finalement appliquée quelques jours plus tard, obligeant les concurrents à s’aligner pour rester compétitifs. Depuis, aucune autre tentative de concertation n’a eu lieu, laissant la grogne monter chez les détaillants.