Les avocats de l’État ivoirien ont déposé une requête devant la CPI pour s’opposer à la levée des conditions imposées à Laurent Gbagbo depuis sa remise en liberté surveillée, le 1er février dernier.
Acquitté le 15 janvier, Laurent Gbagbo doit-il bénéficier d’une remise en liberté sans condition en attendant que la procédure devant la CPI se termine ? Cette question, à laquelle la chambre d’appel avait répondu une première fois par la négative, est au cœur d’une passe d’armes entre les avocats de l’ancien président et ceux de l’État ivoirien.
Le 8 octobre, Me Emmanuel Altit, l’avocat principal de Laurent Gbagbo, a d’abord demandé à la chambre d’appel d’« ordonner sa remise en liberté immédiate et sans condition » afin de permettre à l’ancien président « d’aller où il le souhaite, par exemple dans son propre pays, ou dans un État qui ne poserait aucune condition à son séjour ». Selon lui, le régime de semi-liberté imposé à Laurent Gbagbo, acquitté le 15 janvier des charges de crimes contre l’humanité, n’est « fondé ni juridiquement ni factuellement » et a « pour conséquence d’interdire à Laurent Gbagbo de jouer un rôle dans la vie publique et dans la réconciliation de son pays », l’empêchant « de jouir de ses droits civiques et politiques ».
Opposition des avocats de l’État ivoirien
Les conseils de l’État ivoirien, Me Jean-Paul Benoît et Me Jean-Pierre Mignard se sont opposés à cette demande. Dans un document déposé le 25 octobre, ils ont sollicité « l’autorisation de la chambre d’appel de pouvoir présenter des observations écrites sur la requête déposée par la défense de Laurent Gbagbo visant à la remise en liberté sans condition de celui-ci ».
Selon eux, la décision prise par la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) d’imposer des conditions à la remise en liberté de l’ancien président ivoirien – notamment l’obligation de résider dans un État membre de la CPI – est « en l’état de la procédure, sage et équilibrée ».
« Nous avons toujours souhaité que la procédure aille à son terme, et nous estimons que le statut actuel de Monsieur Gbagbo est la meilleure garantie pour que le procès se poursuive en dehors de toute pression de quelque nature. Monsieur Laurent Gbagbo n’est privé d’aucun droit civique ou politique. Nous ne faisons pas de politique mais du droit. La Côte d’Ivoire prendra acte des décisions de la Cour », précise Jean-Paul Benoit, contacté par Jeune Afrique. À noter que la représentantes des victimes, Paolina Massida, s’est elle aussi opposée à la demande de la défense de l’ancien président.
Une décision dans les prochaines semaines ?
La requête des avocats de l’État ivoirien prouve, s’il le fallait, que le cas Gbagbo est suivi de très près par Alassane Ouattara. Elle a entraîné une réponse immédiate de la défense de Laurent Gbagbo, qui a demandé à la chambre d’appel de la rejeter. Me Altit estime qu’en procédant de la sorte, la Côte d’Ivoire « essaie donc de se transformer en partie ». Or, rappelle-t-il dans un courrier adressé à la CPI le 28 février, l’État ivoirien « n’est ni une partie ni un participant ». « Elle n’a juridiquement aucune capacité à agir ou à intervenir à un quelconque stade de la procédure », estime-t-il.
Comme il l’avait fait lors de sa demande du 8 octobre, Me Altit a choisi de politiser son argumentation. Il explique que « pour les représentants de la Côte d’Ivoire, il conviendrait de limiter la liberté d’aller et venir de Laurent Gbagbo ; autrement dit, de le maintenir loin de son pays, en exil. La conséquence en serait qu’un ancien président, dont toute l’opposition et une grande partie de la société civile réclament la présence, serait écarté de la vie publique ivoirienne, notamment dans l’optique de l’élection présidentielle de 2020. »
La chambre d’appel dispose désormais d’un délai illimité pour se prononcer. Mais selon plusieurs sources, elle pourrait trancher dans les prochaines semaines.