Pendant toute sa vie politique, l’ancien président français s’est appuyé sur un fort réseau sur le continent africain. De Jacques Foccart à Dominique de Villepin, en passant par Robert Bourgi, il pouvait compter sur un carré de fidèles. Portrait des sept principaux hommes de Jacques Chirac en Afrique.
En quarante années de présence dans l’appareil d’État français, Jacques Chirac a eu le loisir de se familiariser avec ses réseaux, notamment en Afrique. De Jacques Foccart, avec qui il entretenait une relation quasi filiale, il aura hérité une pensée mais aussi de précieux lieutenants, qui se firent son émissaire dans des situations plus ou moins avouables.
• Jacques Foccart, le père
Écarté en 1974 par Valérie Giscard d’Estaing – qui conserve tout de même à ses côtés son bras droit, René Journiac -, Jacques Foccart revient aux affaires à la faveur de l’élection de Jacques Chirac, en 1995.mathiIl a alors 82 ans et restera le principale inspirateur la politique africaine du président jusqu’à sa mort en mars 1997. Foccart accompagne Chirac notamment lors de son premier voyage présidentiel sur le continent. Les deux hommes abordent régulièrement les sujets chauds lors d’entretiens téléphoniques presque quotidiens.
Michel Dupuch, l’ami de Bédié
Ancien ambassadeur de France en Côte d’Ivoire pendant 15 ans (1973-1993), il fut conseiller Afrique de 1995 à 2002. Proche de l’ancien président, Henri Konan Bédié – les deux hommes sont amis-, il est favorable à ce que la France intervienne pour le rétablir au pouvoir lors du putsch du général Robert Gueï, en décembre 1999. Un scénario que Paris n’a jamais envisagé, au grand dam de Dupuch, l’un des héritiers de Jacques Foccart.
Fernand Wibaux, l’espion
Entré dans la Résistance en 1940, à la suite de son père, qui avait organisé un système de renseignements dans le nord de la France, Fernand Wibaux sera l’un des principaux hommes des réseaux Foccart. Docteur en droit, il entre à la Libération au ministère de l’Intérieur, avant de devenir chef de cabinet de Gaston Defferre, alors ministre de l’Outre-Mer. C’est lui qui rédige la loi-cadre de juin 1956 qui prépare les indépendances en Afrique. Ancien diplomate en poste au Sénégal, au Cap-Vert, en Guinée-Bissau et en Gambie, il sera l’adjoint de Jacques Foccart jusqu’à la mort de ce dernier en 1997. Très influent jusque-là, celui qui avait l’oreille de tous les présidents francophones d’Afrique sera progressivement marginalisé. Il est décédé en 2013 à l’âge de 92 ans.
Michel de Bonnecorse, l’interface
Michel de Bonnecorse succède à Michel Dupuch à la tête de la « cellule Afrique » en 2002 et occupera cette fonction jusqu’en 2007 à la fin du second mandat de Jacques Chirac. Ambassadeur de France au Sénégal, à Madagascar, au Kenya, en Tunisie et au Maroc, où il a assisté à la fin du règne de Hassan II, il connaît par coeur le continent. Les appels “de” et “à” Chirac transitaient toujours par ce fils d’officier. Auteur d’un livre sur les « Les matières premières dans le dialogue Nord-Sud », Michel de Bonnecorse était l’interface obligé entre le président et ses homologues africains. Il est admis à la retraite de la diplomatie en 2006 et, en 2009, devient conseiller pour l’Afrique de l’armateur CMA-CGM, 3e armateur mondial de transport maritime en conteneurs.
• Denis Tillinac, le « masque africain »
Éditeur et écrivain proche de Jacques Chirac, il a été son représentant personnel au conseil permanent de la Francophonie de 1995 à 1998. Il occupera de fait la fonction d’émissaire élyséen sur le continent. Il a notamment lancé l’association « Renaissance Afrique France » (RAF) avec laquelle il espérait « mettre en place un réseau propre, rénové, une vraie trame de solidarité ».
« Il faut en finir avec les émissaires officieux, les réseaux louches, les rapports personnels. Il y a trop de monde à se réclamer de Jacques Chirac en Afrique », déclarait-il à Libération en 2001. L’écrivain comptait notamment exclure du mouvement les milieux corses, proches de Charles Pasqua.
Ses détracteurs estimaient alors qu’il était le « masque africain » de Jacques Chirac, celui que le chef de l’État pourrait afficher sans craindre la justice. En 2005, il est devenu président du comité de réflexion sur la traite des noirs à Bordeaux.
Dominique de Villepin, le fidèle
À son arrivée aux Affaires étrangères le 8 mai 2002, l’Afrique revient au rang des préoccupations quotidiennes de la diplomatie française. L’ancien secrétaire général de l’Élysée n’est pas un novice sur le continent. Il en connaît les rouages et a suivi les affaires judiciaires du RPR, dont certaines étaient liées à l’Afrique. C’est lui qui œuvre en 2002, alors que Jacques Chirac est à l’Élysée, pour rassembler le pouvoir et les rebelles de Côte d’Ivoire à Linas-Marcoussis, qui aboutira aux accords de Kléber.
Mis en cause dans le scandale de Bouaké en 2004 – des poursuites levées par la Cour de justice de la République en mai dernier -, alors même qu’il était ministre de l’Intérieur, un portefeuille a priori sans rapport avec les affaires militaires en terre africaine, Dominique de Villepin a également été l’une des principales cibles de Robert Bourgi. Ce dernier l’a notamment accusé d’avoir perçu de ses mains des sommes en liquides provenant de plusieurs présidences africaines afin de financer les campagnes politiques de Jacques Chirac en France.
• Robert Bourgi, le porte-valise
Né en Afrique, au Sénégal, Robert Bourgi est considéré comme l’héritier spirituel de Jacques Foccart avec lequel son père Mahmoud Bourgi, important commerçant gaulliste, avait noué des relations d’affaires.
D’abord conseiller politique de Michel Aurillac, ministre de la Coopération de Jacques Chirac sous la première cohabitation, de 1986 à 1988, puis de Dominique de Villepin, il affirme avoir été le porte-valise de la Françafrique, notamment sous Jacques Chirac. Robert Bourgi était notamment proche d’Omar Bongo, d’Abdoulaye Wade ou de Denis Sassou-Nguesso.