La Constitution actuelle limite à deux le nombre de quinquennats consécutifs. Mais le chef de l’Etat a toujours refusé de dire s’il respectera les termes de la Loi fondamentale.
Il faudra encore patienter avant de savoir ce qu’Alpha Condé a dans la tête. Mercredi 4 septembre, le président guinéen a seulement soulevé un coin du voile qui dissimule ses ambitions présidentielles une fois arrivé, en octobre 2020, à l’échéance de son deuxième, et théoriquement, dernier mandat.
En politicien madré, il sait ce sujet potentiellement explosif dans ce pays d’Afrique de l’Ouest profondément clivé sur le plan politique. Pour l’heure, Alpha Condé maintient donc le suspense. Il a, notamment, toujours refusé de dire s’il respectera ou non les termes de la Constitution, en vigueur depuis 2010, qui limitent à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs. Ce silence entretient toutes les spéculations. Notamment celle affirmant qu’il dissimule son rêve de troisième quinquennat derrière le projet qu’il pousse depuis des mois : refondre la Constitution dans un nouveau texte qui, au passage, remettrait le compteur des présidences à zéro.
Cette « ficelle » s’effiloche pourtant, à force d’être utilisée sur le continent par des présidents accrochés à leur pouvoir, du Togo au Burundi en passant par le Congo ou le Rwanda, entre autres. Officiellement, en Guinée, tel n’est pas l’objectif. C’est ce qu’explique une note confidentielle envoyée le 19 juin par le ministre des affaires étrangères, Mamadi Touré, fournissant aux ambassadeurs guinéens les « éléments de langage » à servir aux « autorités et institutions auprès desquelles [ils sont] accrédités » pour les convaincre de « l’opportunité et la nécessité d’adopter une nouvelle Constitution », y compris par voie référendaire. Il y est question de corriger « les lacunes » du texte actuel – « rédigé en un mois par une assemblée à la composition hétéroclite » – portant sur le fonctionnement des institutions ou la protection des droits et libertés fondamentales.
« Une fin de non-recevoir absolue »
Mercredi, sur les ondes de la télévision publique, Alpha Condé a remis le sujet sur la table mais en tentant d’y mettre les formes. Le président a ainsi dit « comprendre le débat en cours dans le pays sur tous les sujets de préoccupation, y compris la Constitution ». Il a donc demandé à son premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, d’organiser un « dialogue inclusif dont les délibérations pourront nous éclairer dans nos choix, répondre à toutes les interrogations, renforcer la confiance entre les acteurs et permettre sans doute à notre pays de poursuivre son chemin sur la voie de la démocratie et du progrès ». Ces consultations incluraient « les institutions de la République, les partis politiques, les syndicats, les organisations de la société civile ».
Sauf que l’opposition ne veut pas en entendre parler. « Nous adressons une fin de non-recevoir absolue à cette proposition », nous explique Sidya Touré, le chef de l’Union des forces républicaines (UFR) joint à Conakry par téléphone. « Il n’y aura aucun dialogue sur la Constitution, ni compromis, ni compromission », renchérit Ousmane Gaoual Diallo, député de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), la principale force d’opposition. Ces deux formations ainsi que des organisations de la société civile se sont d’ailleurs regroupées au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC).
Un président vieillissant
Le député UFDG croit certes discerner dans cette annonce présidentielle « une tentative d’apaisement ». « Il a sans doute mesuré le mécontentement de la population, y compris dans l’armée et il cherche à gagner du temps », ajoute-t-il. Cette question du troisième mandat catalyse en effet nombre de frustrations qui n’ont rien à voir avec les arguties des constitutionnalistes. A l’envie de changement après les deux mandats d’un Alpha Condé vieillissant, âgé de 81 ans, s’ajoute un environnement socio-économique éreintant pour une population qui ne voit pas les bénéfices d’une croissance économique robuste, tirée notamment par l’activité minière. Ces derniers mois ont ainsi été marqués par d’importantes, et parfois meurtrières, manifestations de rue, chaque fois sévèrement réprimées par les forces de sécurité.
Une autre source d’inquiétude pour l’opposition se cristallise sur la volonté du président d’organiser les élections législatives « dans le courant de cette année ». Or le calendrier semble impossible à tenir. A moins de se passer d’une révision des listes électorales exigée par l’opposition, et dont la nécessité a été réaffirmée par un audit indépendant. « Si le pouvoir précipite les élections, c’est dans l’objectif d’obtenir en trichant un Parlement à sa main », s’inquiète Sidya Touré. Dans ce cas de figure, Alpha Condé pourrait alors envisager de faire voter une nouvelle Constitution par les députés, sans référendum. Mais aux risques de troubles publics que beaucoup redoutent.