Alors que la Chine n’y a pas été beaucoup évoquée, la deuxième économie mondiale était pourtant au cœur de la séquence imaginée par Emmanuel Macron
Les faits – Infrastructures, lutte contre les inégalités, règlement des conflits, gouvernance… Tous les grands thèmes chers aux Chinois ont été abordés par les membres du G7 comme une réponse à leurs ambitions sur la scène internationale.
Un peu plus d’un an après le G7 de Charlevoix, au Canada, marqué par une absence de consensus entre ses membres et une fracture ouverte entre les Etats-Unis et les Européens,Emmanuel Macron a réussi à recoller en partie les morceaux en faisant de la rencontre des pays les plus industrialisés un club élargi visiblement destiné à contrer les ambitions chinoises. En ce sens, il semble s’aligner sur les positions de Donald Trump qu’il a soigneusement évité de marginaliser de peur, sans doute, que celui-ci sabote ce rendez-vous dans lequel le chef de l’Etat a beaucoup investi d’énergie. Même la présence surprise, dimanche, de Javad Zarif, le chef de la diplomatie iranienne, n’a pas eu lieu sans que le président français prévienne son homologue américain.
Ce dernier s’est même fendu d’un tweet pour se féliciter des « rencontres fantastiques » qu’il a eues au cours de son séjour sur la côte basque. Après tout, personne n’a cherché à le contrarier notamment sur sa guerre commerciale menée contre la Chine. Alors qu’un journaliste l’interrogeait pour savoir si ses alliés lui avaient conseillé de mettre un terme au conflit avec Pékin, Donald Trump a répondu : « Personne ne m’a dit ça. Personne n’aurait osé. Je pense qu’ils respectent la guerre commerciale. »
Même si Boris Johnson, le Premier ministre britannique, a expliqué que son pays préférait « la paix commerciale en général », il semble bien que le mot d’ordre était d’éviter de créer un incident avec l’hôte de la Maison Blanche de crainte de se retrouver dans la situation embarrassante de 2018. L’absence de communiqué final est d’ailleurs une mesure de précaution puisque, l’an passé, Donald Trump avait renié sa signature quelques minutes après avoir quitté ses partenaires au Canada.
Pour la première fois, nous sommes en présence d’un concurrent au statut de grande puissance qui n’est pas blanc »
« Endiguement ». Sans que la Chine soit désignée en dehors du dossier commercial, il faut bien reconnaître qu’elle a constitué le fil rouge du rendez-vous de Biarritz et dans sa préparation. La rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, le 19 août à la veille du G7, participe de ce désir de plus en plus manifeste des Occidentaux d’éviter que Pékin accroisse son influence sur la scène internationale et remette en cause l’ordre mondial jusque-là coordonné en grande partie par l’Occident. « Pour la première fois, nous sommes en présence d’un concurrent au statut de grande puissance qui n’est pas blanc », a déclaré, fin avril, Kiron Skinner, directrice de la planification des politiques au département d’Etat.
L’étroite coopération entre la Russie et la Chine — qui dépasse désormais le cadre asiatique avec notamment des manœuvres militaires communes en Méditerranée et dans la Baltique — pousse la France et les Etats-Unis à souhaiter un retour de Moscou dans le giron occidental. Si la réintégration des Russes dans le club dont ils ont été exclus en 2014 n’est pas encore acquise pour le G7 qui se déroulera l’an prochain à Miami, il ne fait aucun doute que l’on va assister au cours des mois à venir à un renforcement du dialogue avec Moscou.
En décidant de convier au G7 plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement dont les pays occupent une position stratégique importante au regard des ambitions chinoises, Emmanuel Macron ne pouvait pas non plus fâcher Donald Trump puisque celui-ci tente de mettre sur pied une politique d’« endiguement » de la Chine. La manière dont le Premier ministre indien Narendra Modi a été accueilli, alors qu’il applique au Cachemire une politique qui en d’autres temps aurait fait l’objet de grandes réserves, est une indication de l’importance que les Occidentaux accordent à l’Inde comme rempart à l’influence des Chinois en Asie et dans l’océan Indien. Faut-il rappeler que New Delhi est le seul pays, avec les Etats-Unis, à ne pas avoir dépêché de représentants au dernier Forum une ceinture, une route organisé, fin avril, à Pékin.
Samedi, l’agence Xinhua estimait peu probable que « la rencontre de cette année puisse accoucher d’un quelconque leadership collectif ou d’une initiative concrète susceptible de bénéficier à la planète »
« Perspective Indo-Pacifique ». La présence de l’Egyptien Abdel Fatah al-Sissi répond aussi à la même logique. Il s’agit de rappeler que l’Afrique ne doit pas devenir le terrain de jeu exclusif de la Chine. L’Egypte, présidente en exercice de l’Union africaine, est un des pays avec lesquels Pékin entretient des relations extrêmement serrées ayant élevé le statut de leurs relations bilatérales au niveau de « partenariat de coordination stratégique global pour une nouvelle ère ». Dans son discours prononcé à Biarritz, le maréchal a donc souligné la nécessité de « consolider la coopération et les partenariats entre l’Afrique et le G7 ». L’invitation faite au Premier ministre australien Scott Morrison, dont le pays est le plus fidèle soutien de Donald Trump face à la Chine, conforte l’idée que le G7 de Biarritz avait comme but de rassembler les « amis » du monde libre. « La participation de l’Australie est une occasion de partager notre perspective Indo-Pacifique avec les principales démocraties du monde », n’a pas caché le chef du gouvernement de Canberra avant son départ pour la France.
A Pékin, on tente de minimiser le possible effet Biarritz en soulignant les défis « géo et socioéconomiques » auxquels la plupart des pays membres du G7 sont confrontés. Dans un commentaire publié, samedi, l’agence Xinhua estimait peu probable que « la rencontre de cette année puisse accoucher d’un quelconque leadership collectif ou d’une initiative concrète susceptible de bénéficier à la planète ». Il n’empêche que la Chine s’est rendu compte qu’elle était devenue le dénominateur commun des Occidentaux et que la concurrence pour la gouvernance mondiale serait rude.