Quitter le Mali après neuf ans d’opérations militaires n’est pas seulement un échec politique. C’est aussi un défi logistique de grande ampleur, que doit relever l’armée française. « D’ici à la fin de l’été », les militaires français auront quitté la dernière base qu’ils occupent, à Gao. C’était la plus grande : « une vraie ville », selon un officier. Cinq implantations ont été déjà été fermées : les trois du Nord (Kidal, Tessalit et Tombouctou) fin 2021, puis celles de Gossi, en avril et de Ménaka, le 13 juin dernier.
La logistique, c’est d’abord du volume : quitter le Mali consiste à déplacer 5785 conteneurs (EVP – Equivalent Vingt Pieds). « Nous en avons déjà sorti 3304, il en reste donc 2481 », indique-t-on à l’état-major des armées. Les alliés européens, qui avaient rejoint la France au sein de la force Takuba, ont eu la priorité pour leur désengagement logistique.
Pour vider Gao, deux voies sont utilisées : la route et l’air. Les matériels les plus sensibles – toutes les munitions par exemple – partent par avion en direction d’Abidjan (Côte d’Ivoire), où la France dispose d’une base militaire permanente. Pour ce faire, l’armée de l’air mobilise ses A400M, mais ils sont très largement insuffisants. Les Armées ont, depuis des années, recours à un contrat (Salis) avec une société privée basée à Leipzig (Allemagne) qui met en œuvre des gros-porteurs Antonov 124 ukrainiens. Malgré la guerre en Ukraine, ce contrat continue d’être assuré au profit des armées françaises, avec cinq avions disponibles. D’autre part, les Américains fournissent une aide essentielle aux Français (opération Juniper Micron), soit avec leurs propres gros-porteurs C-17, soit en affrétant une vingtaine d’Ilyouchine Il-76 à une compagnie azerbaïdjanaise.
Pénurie de carburant. Le plus gros du volume passe néanmoins par la voie terrestre, avec des convois pouvant atteindre 70 camions, soit 240 conteneurs. Seuls les convois les plus sensibles sont escortés militairement, les autres se fondant dans l’intense trafic routier africain. La principale route part de Gao en direction de Niamey (cinq jours) puis descend vers Cotonou, au Bénin (sept à dix jours). Le transport se fait avec des camions civils, sur la base de contrat, par exemple avec Bolloré ou Daher. La vétusté de certains camions et la pénurie actuelle de carburant en Afrique occasionnent des retards. Sans compter la saison des pluies et les tempêtes de sable, ou la nécessaire coordination avec les forces de sécurité locale, en particulier au Niger. La route terrestre évite le Burkina Faso, où un convoi militaire français avait été bloqué par des manifestants en novembre 2021.
A partir de Cotonou et d’Abidjan, les conteneurs sont embarqués sur le Calao, un navire roulier français affrété par le ministère des armées, qui fait une rotation tous les deux mois environ.
« L’enjeu est d’éviter les thromboses » tout au long de la chaîne, explique un colonel de l’arme du Train – les logisticiens de l’armée de terre, surnommés « tringlots ». A l’état-major des armées, on insiste sur le fait que les voies de transit sont « diversifiées » avec un « pilotage fin », pour rester dans le rythme tout en garantissant la sécurité, dans une région de plus en plus hostile à la présence française.