Enlevée au Mali, cette Franco-Suisse était détenue depuis près de quatre ans.
Elle était la seule otage française connue encore détenue à l’étranger. Après un enlèvement au Mali et près de quatre ans de détention, Sophie Pétronin, 75 ans, est libre, a annoncé l’Elysée, jeudi 8 octobre, dans un communiqué. La présidence de la République a exprimé son « immense soulagement », sans préciser quand a eu lieu cette libération annoncée dans un premier temps par la présidence malienne sur Twitter. La famille de Sophie Pétronin avait indiqué mardi matin que son fils Sébastien, très impliqué dans les efforts pour sa libération, s’était rendu à Bamako dans l’espoir d’une issue positive.
Sophie Pétronin, qui détient également la nationalité suisse et travaillait dans l’humanitaire au Mali, avait été enlevée, le 24 décembre 2016, par un groupe affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), et aucune information n’avait filtré depuis sur sa localisation.
Une humanitaire installée de longue date au Mali
Après presque quatre ans de captivité, cette Franco-Suisse est aujourd’hui âgée de 75 ans. « Laborantine de formation, elle a entrepris une formation médicale et s’est spécialisée sur les questions de malnutrition et en médecine tropicale », résume Le Monde. L’année 1996 marque un tournant dans sa vie. Elle séjourne pour la première fois à Gao, une ville du nord du Mali « anéantie par des années de rébellion et isolée du reste du pays », selon le site de l’Association d’aide à Gao. « Elle a eu un déclic pour aider ces populations en y allant avec une amie », précise au Monde son fils, Sébastien Chadaud-Pétronin.
Bouleversée par le dénuement des habitants, Sophie Pétronin fonde en France, en 1998, l’Association d’entraide Nord Gao pour venir en aide aux orphelins de cette ville. Après avoir également créé une antenne suisse, elle s’établit définitivement à Gao un an plus tard pour diriger son ONG. « Très connue sur place, la Française parle couramment la langue locale », commente RFI. Sophie Pétronin racontera son engagement aux côtés des pauvres de Gao dans un livre autobiographique intitulé Le Fil de lumière.
En 2012, elle échappe à des jihadistes lors d’une attaque contre le consulat d’Algérie à Gao, où elle s’était réfugiée lors d’un assaut de rebelles touareg. Tandis qu’elle parvient à fuir, des diplomates algériens sont capturés. Elle quitte le pays un temps mais, quand les salafistes sont chassés du nord du Mali, elle retourne vivre à Gao pour se consacrer à son engagement. Ses ravisseurs l’ont accusée de pratiquer, sous couvert d’action humanitaire, un « prosélytisme » chrétien. Son fils, cité par Le Monde, le réfute : « Elle est croyante. Mais elle n’a jamais essayé de convertir qui que ce soit. »
Un enlèvement brutal et aux nombreuses zones d’ombre
Le samedi 24 décembre 2016 à 17 heures, Sophie Pétronin est enlevée « par des hommes armés, dans le 7e arrondissement de Gao, un quartier populaire de la ville », relate RFI. « Selon les renseignements recueillis, ce sont des hommes armés, qui sont venus à bord d’un pick-up couleur kaki et sable, sans immatriculation et avec vitres teintées », explique à la radio le gouverneur de Gao, Seydou Traoré. Le rapt a été brutal et rapide, selon des témoins. Les recherches effectuées par les forces de sécurité maliennes ne donnent aucun résultat, pas plus que celles menées par les Casques bleus de l’ONU et les militaires français de l’opération Barkhane.
Pendant six mois, aucune nouvelle ne filtre. Mais, début juillet 2017, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une alliance formée par des mouvements islamistes armés maliens sous l’égide d’Aqmi, diffuse une vidéo dans laquelle apparaît Sophie Pétronin, aux côtés de cinq autres otages du monde entier, dont un seul a depuis retrouvé la liberté. A la fin de la vidéo, selon Le Monde, « un homme assure aux familles qu »aucune véritable négociation n’a commencé » pour la libération des otages, tout en affirmant que des discussions sont « toujours actives ». Selon lui, Sophie Pétronin espère que le président français, Emmanuel Macron, l’aidera à retrouver sa famille.
En détention, peu d’informations et des craintes pour sa santé
Outre cette première preuve de vie, Sophie Pétronin est apparue dans deux vidéos tournées par Aqmi, en mars et en juin 2018. Dans la dernière, on voyait la Française manifestement très fatiguée, le visage émacié. Elle en appelait alors à Emmanuel Macron, estimant qu’il l’avait « oubliée ». En novembre de la même année, sans diffuser d’images, ses ravisseurs évoquaient une « dégradation de sa santé ». Avant son enlèvement, elle souffrait déjà d’un cancer et de paludisme.
On ignore où et dans quelles conditions Sophie Pétronin était détenue. La première vidéo diffusée d’elle par ses ravisseurs en 2017, dans laquelle apparaissaient cinq autres otages, laisse penser qu’elle n’était peut-être pas seule.
Le 1er avril 2020, la France affirmait disposer d’une « preuve de vie » de Sophie Pétronin remontant à « début mars », sans donner davantage de détails.
Des relations tendues entre les autorités françaises et sa famille
Paris a toujours assuré travailler au rapatriement de Sophie Pétronin : « Nous nous mobilisons pour elle », déclarait ainsi le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en mai 2019. Mais la nature des efforts français sur le sujet reste mystérieuse. En 2017, un porte-parole du Quai d’Orsay expliquait que la diplomatie française opérait dans « la plus grande discrétion » pour « des raisons évidentes de sécurité ».
Une attitude que la famille de l’otage a maintes fois remise en cause. Dès 2017, son fils, Sébastien Chadaud-Pétronin, s’en prenait à l’Etat français, sur France Bleu Drôme Ardèche : « Ils ont pris la décision de ne pas intervenir. Le gouvernement a abandonné ma mère. »
Plusieurs fois, il se rend lui-même au Sahel. En décembre 2018, il affirme même avoir réussi à « entrer en contact avec les ravisseurs » et avoir reçu « une proposition inédite et inespérée » de leur part. A laquelle le ministère des Affaires étrangères a selon lui refusé de donner suite, en mettant en cause la fiabilité de son intermédiaire.
En avril 2019, Sébastien Chadaud-Pétronin a publié un livre, Ma mère, ma bataille, dans lequel il critiquait toujours l’attitude de la France. « Il y a certainement des gens qui travaillent énormément dans cette affaire », reconnaissait-il sur franceinfo, mais uniquement « en vue d’une solution armée », pensait-il, la jugeant trop risquée. Un mois plus tard, lors d’un hommage à deux soldats tués au Burkina Faso lors d’une opération de libération d’autres otages, Emmanuel Macron avait évoqué Sophie Pétronin : « Nous ne l’oublions pas », avait-il assuré.