Assassinats, enlèvements, tortures: au Mozambique, les voix dissidentes paient cher leurs critiques de la politique du président Filipe Nyusi, en place depuis 2015, et dont le mandat s’achève fin 2019. Son parti, le Frelimo, est au pouvoir depuis l’indépendance en 1975. Aujourd’hui, la peur gagne journalistes et militants, qui dénoncent l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes.
Des méthodes de gangsters
Au Mozambique, la dernière attaque contre la liberté de parole remonte au 27 mars 2018. Ce jour-là, en pleine journée, deux hommes armés circulant à bord d’un véhicule sans immatriculation kidnappent à Maputo le commentateur politique Ericino de Salema, qui, dans l’émission Pontos de Vista (Points de vue) sur la chaîne de télé privée STV, avait pris des positions très critiques vis-à-vis du gouvernement.
«On va te donner une leçon», le préviennent ses ravisseurs. «Ils m’ont frappé, les jambes, les bras et les genoux avec des barres de fer. J’ai crié jusqu’à ce que mes forces me lâchent. Puis ils m’ont laissé» dans la banlieue de la capitale, a-t-il raconté à l’ONG Human Rights Watch (HRW).
Bilan: deux jambes et un bras cassés.
Deux ans plus tôt, José Jaime Macuane, un universitaire, lui aussi invité à l’émission Pontos de Vista, est kidnappé dans des conditions similaires. «Ils m’ont dit qu’ils avaient ordre de me faire boiter», raconte-t-il à l’AFP.
Ses ravisseurs lui tirent alors quatre balles dans les jambes, et là aussi, il est abandonné dans la banlieue de la capitale.
Les autorités, justement, n’ont toujours pas fait la lumière sur ces enlèvements et ne semblent pas pressées de le faire. Pour preuve, «la seule chose que les enquêteurs m’ont demandée, c’est de fournir un rapport médical», s’insurge José Jaime Macuane.
HRW dénonce «l’échec des autorités à enquêter de façon crédible» sur ces agressions et sur les assassinats qui les ont précédées.
En mars 2015, un juriste constitutionnaliste franco-mozambicain, Gilles Cistac, détracteur assumé du Frelimo, le parti au pouvoir depuis l’indépendance de l’ancienne colonie portugaise en 1975, avait été abattu en plein centre de la capitale mozambicaine.
Le président Nyusi, 59 ans, a récemment concédé que «le Mozambique était un pays où les droits de l’Homme n’étaient pas totalement respectés». «Je necrois pas que ces attaques menacent la liberté de la presse et la liberté d’expression», a-t-il toutefois nuancé, avec un brin de cynisme.
Certes, il y a une amélioration incontestable par rapport à la période du régime de parti unique de 1975 à 1990, quand les journaux privés n’étaient tout simplement pas autorisés.