Dans le cadre du procès de la CPI contre le président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé (acquittés le 15 janvier 2015 des accusations à leur encontre), la pression est depuis le mardi 16 juillet 2017 dans le camp de l’équipe du procureur Fatou Bensouda, l’ancienne ministre de la justice de Yahya Jammeh.
Un mois, c’est en effet le temps dont elle dispose avec ses collaborateurs pour faire appel de la décision de la chambre de première instance qui innocente Laurent Gbagbo et Blé Goudé, des désormais fausses accusations de crimes de guerres pour lesquelles ils ont passé plus de 7 ans de leur vie dans les geôles de la CPI au Pays-Bas.
Face à la fastidiosité de l’épreuve, Bensouda plaide pour que lui soit accordé deux autres mois supplémentaires. Au lieu donc de la date limite du 16 août 2019, elle négocie en ce moment auprès de la cour afin qu’on lui accorde jusqu’au 10 octobre pour finir la rédaction de son appel qui extraordinairement vaut déjà la rétention de Gbagbo et Blé en Europe malgré leur acquittement.
Les juges de la première instance chargé du jugement de cette affaire ont en effet déposé le mardi 16 juillets, les motivations écrites de leur décision qui innocente Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé des accusations de Fatou Bensouda et du pouvoir actuel d’Abidjan.
Point par point, les juges expliquent que Bensouda et ses collaborateurs ont menti.
Comme résumé par RFI, « Les juges évoquent tout d’abord la « déconnexion globale » entre le récit de l’accusation et les preuves apportées au dossier, y compris les témoignages entendus au cours du procès débuté en janvier 2016. Deux des trois magistrats estiment que la thèse du procureur reposait « sur des bases incertaines et douteuses », « un récit manichéen et simpliste d’une Côte d’Ivoire décrite par le procureur comme une société polarisée » entre les militants pro-Gbagbo et les partisans d’Alassane Ouattara, les deux candidats en lice à la présidentielle de novembre 2010.
Pour les deux juges qui ont prononcé l’acquittement, auquel s’oppose la troisième juge, aucun crime contre l’humanité n’a été commis par Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, c’est-à-dire qu’aucune politique visant à attaquer des civils de manière généralisée et systématique – c’est la définition du crime contre l’humanité – n’a été mise en œuvre.
Au cours du procès, le procureur avait évoqué plusieurs sites de crimes censés démontrer la responsabilité de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. La marche sur la Radio-Télévision ivoirienne organisée au début de la crise, en décembre 2010, au cours de laquelle au moins 87 personnes avaient été tuées, avait bien été interdite par Laurent Gbagbo, estiment les juges. Mais aucune des preuves de l’accusation ne démontre que l’ex-président aurait donné l’ordre de réprimer les manifestants. Selon leurs conclusions, les forces ivoiriennes devaient protéger la RTI, mais ne visaient pas la population civile – et si des violences ont été commises par des soldats, elles ne relèvent pas de crimes contre l’humanité.
Concernant les crimes commis à Yopougon en février 2011, le procureur avançait que Charles Blé Goudé aurait prononcé un discours incitant ses partisans à la violence. Mais se basant sur les preuves, les juges estiment que les violences, récurrentes dans ce quartier, avaient débuté avant l’arrivée du leader des Jeunes patriotes sur les lieux.
Sur la répression d’une marche organisée par des femmes à Abobo, début mars 2011, les preuves n’ont pas permis aux juges de dire si ce sont des soldats qui ont tué les 13 victimes. Enfin, sur les tirs à l’arme lourde sur le quartier, quinze jours plus tard, ils estiment que l’armée s’opposait au Commando invisible et non à des civils.
Le dernier incident retenu par le procureur date du 12 avril. Mais Laurent Gbagbo avait été arrêté la veille des faits, dans la résidence présidentielle. Quant à Charles Blé Goudé, il se cachait depuis plusieurs jours.
Les magistrats Trinidadien et Italien estiment que les preuves montrent que les forces ivoiriennes étaient en position défensive, soumises à une guérilla urbaine et opposées à de multiples acteurs. Parmi eux, le Commando invisible, sur lequel le procureur avait choisi de faire l’impasse, croyant affaiblir sa thèse.
Ils s’interrogent aussi sur les forces en présence : la rébellion des Forces nouvelles prête à s’emparer d’Abidjan, l’armée française et enfin la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci), qui aurait pu paraître partiale. Pour eux, Laurent Gbagbo n’avait pas le contrôle de la situation. Et aucun élément du dossier ne montre qu’il aurait mis en place un commandement parallèle au sein de ses forces dans l’objectif de cibler les civils favorables à Alassane Ouattara, comme l’avait affirmé le procureur au cours des trois années de procès. »
Dans l’attente de ces moyens que se donne l’ancienne ministre Gambienne pour maintenir le plus longtemps possible, Laurent Gbagbo qui sa liberté embastillée à Bruxelles quand Charles Blé Goudé, face au refus de plusieurs pays de limiter ses libertés alors qu’il est innocenté, est contraint de vivre dans un appartement que lui a loué la CPI à La Haye au Pays Bas.
Blaise BONSIE