Le gouvernement s’apprête à déclencher une série d’interventions policières contre la délinquance et l’immigration illégale à Mayotte, en procédant à des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière et à des destructions de bidonvilles.
Baptisée « Wuambushu », l’opération « secrète » ne l’est plus : le gouvernement s’apprête à déclencher dans les prochains jours une série d’interventions policières contre la délinquance et l’immigration illégale à Mayotte, en procédant à des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière et à la destruction de bidonvilles.
Révélée fin février par Le Canard enchaîné, l’opération « Wuambushu » – qui peut vouloir dire « reprise » ou « poil à gratter » en mahorais – n’avait jusqu’à présent pas été officialisée par le gouvernement. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a confirmé la tenue d’une opération « au long cours ».
M. Darmanin a démenti qu’elle sera lancée lundi et pour une durée de deux mois, comme avancé par la presse. « Il n’y a pas un moment où on la commence et un moment où on la termine », a-t-il ajouté, affirmant même que l’opération avait « déjà commencé ». « Il y a 1 800 policiers et gendarmes en ce moment même à Mayotte qui font des opérations de police, qui mettent fin au trafic d’armes, qui mettent fin aux bandes criminelles », a-t-il dit. Au total, plus de 2 500 personnels (forces de l’ordre, agence régionale de santé, justice, réserve sanitaire) sont mobilisés, selon une source proche du dossier.
Mayotte, , attire chaque année des milliers de migrants, arrivés par la mer en kwassa-kwassa, des embarcations de fortune, de l’île comorienne voisine d’Anjouan, mais également de l’Afrique des Grands Lacs et de plus en plus de Madagascar. Près de la moitié des 350 000 habitants estimés de Mayotte ne possèdent pas la nationalité française, selon l’Insee, mais un tiers des étrangers sont nés sur l’île.
Les Comores privilégient le « dialogue »
Ces immigrés, installés dans des bidonvilles particulièrement insalubres, des « bangas » en proie à la violence et aux trafics, occupent de petits emplois et les mineurs sont scolarisés. Mais ils sont aussi accusés par une partie de la population et par des élus de déséquilibrer le peu d’infrastructures et ressources de l’île et de nourrir un taux de délinquance « hors normes ». Plusieurs opérations dites de « décasage », parfois réalisées par des habitants de l’île eux-mêmes constitués en milices, ont déjà eu lieu depuis 2016. M. Darmanin a dit souhaiter la destruction de « 1 000 bangas dans les deux mois ». « Nous prendrons le temps nécessaire (…), toujours sur autorisation du juge, car il va de soi que nous relogeons les personnes conformément au droit », a-t-il affirmé.
Plusieurs organisations, dont la Ligue des droits de l’homme, se sont inquiétées que « la France place ainsi des mineurs dans des situations de vulnérabilité et de danger intolérables ». La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a demandé au ministère de l’intérieur de renoncer à l’opération, face aux risques d’« aggravation des fractures et des tensions sociales » à Mayotte et d’« atteinte au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères ». « Les actions annoncées (…) m’inquiètent tout particulièrement », a aussi déclaré la Défenseure des droits, Claire Hédon, qui a annoncé la présence de quatre de ses délégués sur place.
Le président comorien, Azali Assoumani, a déclaré samedi privilégier le « dialogue » avec Paris quant à l’épineuse question du renvoi de Comoriens en situation irrégulière à Mayotte. Vendredi, le porte-parole du gouvernement comorien, Houmed Msaidie, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) que « les Comores n’entendent pas accueillir des expulsés issus de l’opération [“Wuambushu”] ».
« Mon gouvernement a clairement affiché sa position, il n’acceptera pas d’expulsions », a renchéri samedi le ministre de l’intérieur comorien, Fakridine Mahamoud, interrogé par l’AFP. M. Mahamoud a toutefois déclaré poursuivre les discussions avec la France et s’être entretenu encore la veille avec M. Darmanin : « J’ai bien discuté avec mon homologue français. A ce stade, nous ne pouvons pas parler d’accord. »
Les Comores se sont engagées dans un accord signé en 2019 à « coopérer » avec Paris sur les questions d’immigration en échange d’une aide au développement de 150 millions d’euros.